La qualité d’une interprétation musicale est avant tout appréciée pour sa dimension artistique, sa sensibilité et l’émotion qu’elle suscite, tout en respectant au plus près la partition et les intentions du compositeur.
Parfois la personnalité d’un grand chef d’orchestre prend le dessus sur l’œuvre qu’il dirige. Il imprime sa marque et il arrive que le résultat soit une bonne surprise, apportant une vision nouvelle, crédible, convaincante, ou bien il arrive que ce soit un ratage total, un contre-sens auquel on n’adhère pas.
D’autres chefs, tout aussi grands, essaient de rester le plus neutre possible et de s’effacer devant le compositeur.
Pierre Monteux disait « je n’interprète pas la musique, je la joue! » Il se refusait d’imposer sa subjectivité personnelle à la musique. Dans la bouche d’un Monteux cela parait comme une évidence, couler de source, or rien n’est moins simple pour un grand chef d’orchestre que de rester humble.
Prenons par exemple la 10ème symphonie de Dimitri Chostakovitch.
Dans la première catégorie, on peut ranger les interprétations de Mravinski, de Kondrachine, de Karajan, de Gergiev etc… dans la seconde catégorie on mettra à coup sûr celle de… Vasily Petrenko. Et contrairement à toute attente, c’est ce dernier qui vous transportera d’émotion, et qui très certainement restera gravé dans votre mémoire.
Je viens de vraiment (re)découvrir seulement aujourd’hui la 10è symphonie de Chostakovitch, alors que j’en avais portant déjà 7 ou 8 versions, et pas des moindres.
Je dois cette révélation au jeune chef russe Vasily Petrenko (né en 1976) et au Royal Liverpool Philharmonic . Comme quoi la valeur n’attend pas le nombre des années! Un CD de 2009 édité chez Naxos.
Profonde, passionnée, hypnotique…
C’est une version de la 10è de Chostakovitch dont on en sort ébranlé. Moi, tout au moins.
Vasily Petrenko s’y montre d’une probité exemplaire, il joue la partition et ne se met pas en avant. Aucune esbroufe aucun effet de manche. Ne reste que Chostakovitch.
C’est poignant, angoissant, tourmenté, avec des éclats d’une violence inouïe, mais aussi des élans vers une éclaircie, une lueur d’espoir… un maelstrom à l’image de l’âme de Chostakovitch en pleine crise avec Staline et sous la férule de Jdanov, le gardien de la musique.
Une époque terrible
« La mort résout tous les problèmes : pas d’hommes, pas de problèmes » Joseph Staline
Après 1948 et la condamnation pour «formalisme» due à Jdanov – premier secrétaire du parti et président omnipotent de l’Union des Compositeurs, cerbère de la vie musicale du régime stalinien – Chostakovitch ne se consacra plus qu’à son «rachat» en composant musiques de films, pièces populaires et même un oratorio à la gloire de Staline (!) et quelques autres œuvres qui resteront dans les cartons. La création de cette Symphonie n°10, huit ans après la n°9, sonne comme une tentative de repentance dans une Union Soviétique non encore déstalinisée. Mais une repentance qui s’accouche dans la douleur et qui du coup n’en est pas une, au contraire.
Un sommet émotionnel
Cette 10è symphonie de Chostakovitch dans sa version Vasily Petrenko m’évoque irrésistiblement le tableau « Le Cri » d’Edward Munch (1893)
à ceci près que le personnage du tableau serait emprisonné et muni d’un bâillon ôté par intermittence. Et quand on lui enlève ce bâillon, son cri n’en est que plus angoissant tant il est désespéré de ne pas voir poindre le bout du tunnel. (Rien à voir avec le sens réel du tableau inspiré par la vision en Norvège d’un phénomène céleste naturel, identifié par la suite comme étant une conséquence de l’éruption du Krakatoa)
Une symphonie sans programme mais une dramaturgie musicale
L’introspection sombre du très long 1er mouvement Moderato dépeint l’état d’esprit de l’auteur (on y sent planer l’ombre des victimes du régime stalinien), le deuxième mouvement est l’évocation de la violence pure (celle la férocité, de la paranoïa du dictateur) avec un Allegro explosif, suivi de l’étrange danse de l’Allegretto qui alterne entre l’obscurité et la lumière, auquel succède le climat dramatique du mouvement final. C’est une oeuvre toute de contrastes musicaux à couper le souffle, au sens littéral. Par instants la tension est telle qu’on ne respire plus. Même le final reste suspendu comme un point d’interrogation. Comme une attente du verdict ? pas celui de Jdanov ni celui de Staline, cas tous les deux sont disparus, ou bien plutôt comme une lueur d’espoir, ouvrant sur un avenir résolument optimiste.
Ce final serait alors une revanche, comme un pied de nez à Staline mort, auquel Chostakovitch dirait « j’ai survécu et je t’ai survécu! »
Certes mon explication historique « après coup » du sens de cette symphonie vaut ce qu’elle vaut. On peut parfaitement écouter l’œuvre musicale en dehors de tout contexte historico-politique et l’apprécier comme telle, sombre et lumineuse, parfois lugubre mais captivante.
L’œuvre étant suffisamment ténébreuse comme cela, mes illustrations sonores de ce billet prendront donc un ton plus léger, pour compenser…
Petite pause musicale
L’étreinte de l’émotion
On met un moment ensuite à s’en remettre, à reprendre son souffle et ses esprits.
On a envie de se dire « Bon sang quelle chance j’ai eu de ne pas vivre là-bas et à cette époque. » On se ressent au sortir du concert comme après un voyage dans un univers mélange de Kafka et de George Orwell. Ce sont là des impressions personnelles, oniriques, mais je suis persuadé que nombre de mélomanes en partageront de semblables après avoir écouté la version de Vasily Petrenko pour peu que leur chaine hi-fi soit correcte.
Un contexte
On pense que cette symphonie a été composée en partie dès 1946, laissée en attente plusieurs années (après la douche froide de l’accueil désastreux de la 9è en 1948), puis terminée dans les mois qui ont suivi la mort de Staline survenue en mars 1953. L’URSS n’avait pas encore commencé sa « déstalinisation ». Le temps n’était pas à la détente, au contraire, puisqu’on entrait alors en plein dans la guerre froide.
La mort de Staline marque la fin d’une époque pour Chostakovitch, et aussi une renaissance.
A lire: Chostakovitch et Staline
Les symphonies de Dimitri Chostakovitch
Un chef prometteur
Il fait ses débuts en 2004 avec l’Orchestre Royal Philharmonique de Liverpool (RLPO) et dirige alternativement, depuis la saison 2013/2014, l’Orchestre philharmonique d’Oslo. En 2010 le jeune chef Vasily Petrenko a été nommé Artiste masculin de l’année aux Brit Awards classique. Quant au RLPO, loin d’être un orchestre de seconde zone, il a prouvé avec Petrenko qu’il fait désormais partie des grands, et parfois méconnus, comme le Royal Scottish Orchestra.
Unique entre toutes
Je possède plein autres versions de cette 10è symphonie de Chostakovich, j’en avais surtout retenu deux, celle du créateur de l’œuvre en décembre 1953 (en mono bien sûr) par Mvravinsky avec l’orchestre de Leningrad et celle de Valery Gergiev de 2011 avec le Mariinsky. Elles ne m’avaient pas, et de loin, ému comme celle de Vasily Petrenko.
Petite pause musicale
Un fichier studio master… en théorie!
J’avais acheté cette version Petrenko de la 10ème symphonie de Chostakovitch dans son enregistrement qualité « studio master » chez Qobuz en 24bit 44,1kHz. Ce format 24/44,1 me laisse dubitatif, car très inhabituel en milieu professionnel. Du coup cette version gagne énormément à être lue après remise en SARD++ 16b/44,1kHz. Ce qui me laisse penser que ce format studio master bizarre est en fait un rééchantillonnage du véritable fichier natif (K&A Productions Ltd), plus probablement en 24/96 qui est le format de travail le plus courant des studios et surtout de Phil Rowlands, l’ingénieur du son. Je n’incrimine pas Qobuz, bien obligé de prendre ce que l’éditeur lui fournit.
Le site de Rowlands mentionne le 24/96: http://www.philrowlands.com/
Ce que gagne le fichier studio master à être remis en 16/44,1 et traité SARD++, en tous cas sur mon système audio hi-fi à moi :
- Scène sonore plus aérée, plus profonde.
- Meilleure acoustique de salle, plus vivante,
- Plans mieux étagés
- Pupitres plus précis
- Timbres plus rutilants, avec plus de matière, plus de vie, d’intensité
- Tension plus poignante, plus oppressante.Ce qu’il perd? Juste un peu de rondeur, d’embonpoint, dans le bas du spectre.
NB. Le CD de cette 10è symphonie de Chostakovitch par Vasily Petrenko et le RLPO a bien sûr été ajouté à ma compile en ligne.
Petite pause musicale
Boccherini Fandango Ophélie Gaillard ensemble… par adamparks55
Les conditions de lecture avec ma chaine hi-fi
Ce sont celles qui me sont habituelles, en mode dématérialisé vrai. Fichiers audio wav et player montés en Ramdisk, formaté en exFAT à clusters 2Mo. Player AIMP3 skin AA allégé, configuré en 32 bit interne, rééchantillonnage 176,4 kHz, driver Asio-EMU avec buffer 2 ms. Reproduction en stéréo 3D phonie, voies frontales principales assurées par deux enceintes Quad ESL63 (électrostatiques) – rénovées et remembrannées par mes soins – DAC/carte-son, préampli, amplis, courant secteur, terre et champs électromagnétique ambiants dûment euphonisés. Accessoires installés: ionostat à traine, monolithe led, ambiophoniseur TBF, aquaquartz phono led, audionizer VIP, deux Minorg, un Raoni et un MMM (voir lexique). Courant secteur symétrisé et filtré, self de terre, les deux blocs amplis mono (MosFet haute vitesse travaillant en classe A-B) sont laissés sur du 230V asymétrique mais tout de même filtrés par des Schaffner.
Constance, homogénéité et multiples entiers
Le SARD++ est une technique d’optimisation musicale qui vise principalement à optimiser les fichiers finaux du format CD audio. Soit qu’ils aient été téléchargés soit qu’ils aient été extraits du CD, et sauvés en fichiers wav stéréo 16bits 44,1kHz (et pas compressés sans perte en Flac, Alac ou Ogg). Dès lors, le traitement SARD psychoacoustique permet de remonter virtuellement dans l’histoire de la fabrication du CD, au stade antérieur qui a précédé la gravure du glass master de pressage. La notion de fichier « Studio Master » ne signifie d’ailleurs pas grand chose et peut techniquement recouvrir tout et n’importe quoi. Ce qui compte avec le SARD, c’est de rester homogène tout du long, depuis la conversion N/A jusqu’à la lecture en dématérialisé vrai, en « démécanisé » total, avec rééchantillonnage final en 176,kHz. Il faut rester sur des multiples entiers de 44,1kHz et non de 48kHz. Nul besoin de dépenser plus que la qualité CD. De fait, les fichiers studio master 24bits en 48, 96 et 192kHz s’avèrent très souvent moins musicaux lus en l’état que leur version CD 16/44,1 si retraités SARD. Certes ils peuvent sonner mieux qu’un CD « ordinaire », mais moins bien qu’un CD retraité et lu en SARD++.
Si vous téléchargez tout-de-même des fichiers qualité « Studio master » en 24/96, pour rester homogène et les lire tels quels, il convient de configurer le player audio, la carte-son/DAC et le périphérique de lecture dans Windows en rééchantillonnage 96kHz ou 192kHz et non plus 176,4kHz.
Téléchargez AIMP3 (gratuit) http://www.aimp.ru/
Le skin spécial allégé de AA (audiophile.acs2) et les scripts de configuration automatique Ramdisk, exFAT, SARD, raccourcis…
/sacd-audiophile/mises-a-jour/scripts.zip
Tastevin logiciel
Quant au DR ou DNR, le dynamic range mesuré, pour savoir si un fichier Studio master est bien ce qu’il prétend être, c’est comme donner à une machine le pouvoir de dire si un vin est bon. Écoutez le CD, et si le CD est bon, alors il vaut la peine d’être traité en SARD++. Si le CD est mauvais, l’acheter en HD n’y changera rien. La notion de dynamique ressentie (et non mesurée par un stupide logiciel) ne s’apprécie qu’à l’oreille, la preuve en est qu’elle peut paraitre supérieure sur un vieil enregistrement 33T vinyle. En outre si vous faites un DR, c’est que probablement vous utilisez Foobar2000 (avec son plug-in DR) comme player… et ce n’est pas un bon choix de player audio, en tous cas ce n’est pas le mien.
A l’origine du DR, il y avait une louable démarche pour combattre la constante évolution à la baisse de la dynamique… La compression systématique et exagérée tue en effet la musique. Mais l’industrie du disque est d’abord une industrie, avec en priorité ses critères commerciaux de profitabilité et, plus loin derrière, des critères artistiques (musique classique exceptée)… http://www.dynamicrange.de/
Les enregistrements compressés se vendent mieux, lire « The Loudness War » …sfxmachine.com/docs/loudnesswar/ et aussi
« La guerre du volume » étude sur la compression de dynamique dans les enregistrements discographiques, par Alexis Wolff – Mémoire de Master professionnel, sept.2010 , 74 pages -
Il n’est pas vraiment utile de savoir que la 5è symphonie de Chostakovitch (ou Shostakovich) (version LSO dir. Maxim Shostakovich), par exemple, fait apparaitre un DR19. L’écouter permet de se rendre compte que c’est une interprétation de référence, qui plus est, enregistrée dans un lieu de référence (Abbey Road Studios, en 1990). Le DR ne veut rien dire en soi, il varie énormément selon les œuvres. Certains instruments de musique sont dépourvus de dynamique, comme le clavecin, et inversement un orchestre symphonique peut avoir de tels écarts dans le volume sonore qu’il est impossible de l’enregistrer sans compresseur de dynamique. Tout réside dans le savoir-faire, dans le talent de l’ingénieur du son.
En fait ce qu’il faut surtout préserver, ce n’est pas tant la dynamique absolue que la dynamique fine, celle qui gère les plus infimes variations, dans le rythme ou dans les inflexions de la voix.
TT DR Offline Meter Software (Windows) – gratuit
Le manuel, en .pdf (en anglais)
NB. Plus la dynamique absolue d’un morceau de musique est grande, avec un DR élevé, et plus votre pièce d’écoute doit être silencieuse… et isolée phoniquement pour ne pas gêner vos voisins. Au contraire, plus l’environnement d’écoute est bruyant et plus un DR bas est souhaitable (en voiture par exemple). Il existe des plugins VST « expandeurs » utilisables avec des players audio comme AIMP3, Winamp (cf Sound Solution – Processeur multibandes), Foobar2000…