Microsillon

Les disques Barclay, une histoire de haute fidélité

Microsillon 45T Barclay

Microsillon 45T Barclay

C’était le temps des  disques 45 tours et 33 tours que l’on passait sur des petits électrophones (les années Teppaz) , avant les premières chaines hi-fi. Le nouveau microsillon 45T 17 cm, (single play) lancé par RCA en 1949, venait remplacer le vieux 78T avec une meilleure qualité  musicale et une capacité en durée  de musique nettement allongée pour le 33T 30cm.  Eddie Barclay qui avait immédiatement misé sur ce nouveau format fut rapidement surnommé « l’empereur du microsillon ». Pour l’industrie du disque, entre 1946 à 1973, ce furent trente années glorieuses, trente années de faste.
Fabriquer des tubes, faire voyager à travers rock ou samba, confirmer des identifications amoureuses : le disque portait les échos d’un monde, forgeait des identités.
Eddie Barclay incarnait l’art de lancer les dés pour qu’ils retombent sur des chiffres de vente astronomiques. Aznavour, Brel, Ferré, Ferrat ou les faiseurs de rengaines d’un jour enregistraient chez Barclay…
Écoutez! >>>

La Fabrique de l’Histoire – Une émission diffusée sur France Culture. Avec des témoignages, des illustrations sonores de l’époque… des pépites! (*) Un documentaire sonore de 53 minutes à ne pas manquer.



Ivan Pastor fondateur du label Forlane

L’histoire de la maison de disques Barclay me donne ici le prétexte pour évoquer un petit label qui me tient à cœur, Forlane.
Ivan Pastor : « En 1963, Eddie Barclay m’a proposé de lancer une collection de premiers disques de jeunes interprètes classiques. Ce fut le temps des Patrice Fontanarosa, Maxence Larrieu, Régis Pasquier, Susan Mildonian, Jean-Pierre Wallez, Bruno Rigutto… »
En 1971, Pastor et ses jeunes ouailles émigrent chez Decca. Il y devient directeur et producteur artistique du label « Aristocrate». L’étape suivante sera l’indépendance totale avec la création de Forlane en compagnie d’Yves Roy. L’indépendance… et ses risques ! L’on paie cher le bonheur de faire ce que l’on veut avec qui on veut. Et dans ces temps de crise, on n’a pas le droit d’être banal. L’ambition et la prise de risques sont aujourd’hui largement récompensées et la fidélité d’un artiste comme Van Dam n’est pas la moindre.

Ivan Pastor mène sa firme Forlane dans des chemins buissonniers. Il a sa manière, généreuse, sentimentale et protectrice, de se fidéliser des artistes tels que Felicity Lott, Ann Murray, Margaret Price, José Van Dam, Jean-Claude Casadesus, Abdel Raman El-Bacha… « Lorsque je leur propose d’enregistrer avec moi, je leur offre une totale confiance dans le répertoire qu’ils souhaitent graver : le lied pour Price, par exemple… »
>>> source Michèle Friche, octobre 1993, Journal Le soir

Jusqu’à Mexico

Loin de la banalité et plus que buissonniers, les chemins du label Forlane l’ont entrainé à produire de la musique classique mexicaine avec un disque enregistré à Mexico en 1980. Une perle qui à l’époque m’avait fait découvrir, entre autres, Huapango de José Pablo Moncayo (1912-1958), et dans une interprétation qui reste ma référence, celle de Fernando Lozano à la tête de L’orchestre symphonique de la ville de Mexico. Sans oublier Silvestre Revueltas (1899-1940) et son célèbre « Sensemaya » inspiré de la lutte mortelle de la couleuvre.

Musique mexicaine disque Forlane

Musique mexicaine disques Forlane

La prise de son avait mobilisé l’équipe technique Studer… en 1980, excusez du peu.

Darius Milhaud (1892-1974) racontait: « Quand dans l’atmosphère grise de l’hiver parisien, je souhaite qu’il y ait du soleil dans mon appartement, j’écoute le disque du Huapango. »

>>> Site officiel des Disques DOM FORLANE

Les prises de son de l’époque

J’ai comparé la version Lozano de 1980 de Huapango avec la version récente (2010) de la jeune, belle et talentueuse chef Alondra de la Parra.

La version moderne, excellente, mais…
Cela m’a amené à une réflexion plus générale sur l’évolution (ou la dérive) de la prise de son… depuis qu’on peut presque tout se permettre au plan technique.

A la loupe

Les prises de son modernes sont faites de plus en plus souvent par des techniciens très consciencieux, certes, mais des techniciens. Avec un micro ou presque par instrument, il faut qu’on entende tout. Le consommateur doit en avoir pour son argent. Faire que tout s’entende c’est hélas nier en tout ou en partie une forme d’audition semblable à celle du spectateur assis réellement au concert. Ce parti pris probablement plus commercial qu’artistique, revient souvent à tuer toute image orchestrale construite, cela réduit les plans en profondeur, aboutit à tout entasser vers le devant, à niveler la dynamique naturelle.

orchestre-symphonique

L’orchestre symphonique scruté à la loupe

Une flûte au fond de l’orchestre ne saurait avoir le niveau sonore du 1er violon placé à côté du chef sur le devant. Qu’importe, au mixage, grâce au micro dédié au flutiste, on le mettra en vedette, bien en évidence, au point d’entendre son souffle et son attaque de bouche. Anamorphose ? Et alors? si le marketing approuve. Quant à moi, jamais je n’ai réussi à l’entendre ainsi en étant pourtant bien placé au concert.
Cecil B. DeMille disait que chaque dollar dépensé en décor et en figurants devait se voir à l’écran, pour le cinéma oui, mais c’est moins vrai pour la musique. Du moins cela doit se faire de façon nettement plus subtile. C’est peut-être aussi ma façon d’écouter qui ne colle plus avec ce que le grand public attend d’un CD… et que le marketing vise à satisfaire en premier chef.

A l’oreille

Les prises de son anciennes, aux débuts de la stéréo, se faisaient à 2 ou 3 micros, rarement plus (cf le célèbre Decca tree inventé en 1950 par Roy Wallace, ingénieur du son chez Decca – lire son histoire -). Le montage analogique ne permettait pas non plus de faire des tripatouillages aussi acrobatiques qu’aujourd’hui.
Les preneurs de son de RCA, Decca, EMI… pionniers dans la stéréo, étaient d’abord des musiciens, des mélomanes, avant d’être des techniciens. Ils n’enregistraient pas des instruments mais de la musique, et un concert. Ils pouvaient passer des jours , comme Walter Legge, à chercher comment bien placer leurs micros.  Ils essayaient de transmettre l’émotion de l’instant, captée sur le vif, dans une approche plus globale et moins pointilliste. Ils savaient, en musique comme en photo, qu’à regarder de trop près un cliché, au travers d’une loupe, primo on déforme l’objet, secondo on n’a plus la vision globale de la photo dans son entier.

Mais fort heureusement il reste d’excellentes prises de son et quand en plus ce sont des interprétations exceptionnelles, on est comblé, comme en témoignent les quelques CDs et SACD cités dans ma compilation. Tout comme existent de nombreuses remasterisations réussies (oublions vite les ratées) de bandes analogiques soignées et qui redonnent une seconde vie aux disques vinyles grâce au phonogramme lu en mode dématérialisé vrai (SARD++) , au meilleur de leur forme.

Hommage

Barclay est synonyme de variétés, de tubes et de succès populaires (et pas toujours du meilleur goût) mais la variété, c’est aussi Jacques Brel, Jean Ferrat, Léo Ferré, Serge Reggiani… Barclay, c’est aussi l’innovation technique. Barclay fut l’un des premiers à rapporter des USA un magnétophone Ampex, et à fabriquer pour son studio la première chambre d’écho naturelle…

Il est toujours agréable le souvenir de la visite du Studio Hoche de la Sté Barclay un beau dimanche matin du mois de février 1960, et écouter Gérard Lehner et Jacques Lubin nous raconter l’enregistrement du premier disque des Chaussettes Noires avec Eddy Mitchell. (attention, pubs très envahissantes! et si  ça perturbe vraiment trop en affichage, vous pouvez lire cette page sans pub en .pdf  Apers – Eddy Mitchell au studio Hoche )

A lire aussi : Eddie Barclay (1). Du jazz dans le microsillon (Les Greniers de la mémoire)

(*) Documentaire sonore sur Barclay avec la participation de : Thérèse Chasseguet, assistante artistique ; Denise Molvinger, secrétaire d’Eddie Barclay ; Cyril Brillant, responsable à l’international ; Jean-Michel Defaye, arrangeur et chef d’orchestre ; Michel Delpech, chanteur ; Remi Jacobs, musicologue et spécialiste du disque ; Alain Marouani, responsable de la publicité ;  Ivan Pastor, responsable du secteur « classique ».

Les trente glorieuses du vinyle

Ces années de gloire de l’analogique font l’objet des dossier 126 et 127-syntoniseur.zip, (à télécharger en dehors des fichiers persos de AA) avec des exemples qui montrent que le numérique, loin de les trahir peut au contraire resusciter les vieilles gravures, les vieilles bandes magnétiques master, avec la totalité de leur musicalité, voire davantage. C’est la réconciliation de l’analogique et du numérique!

Lien: le site d’un mélophile melophile.blog


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