Analogique à l’origine
Il s’agit bien d’un seul et même enregistrement.
Carl Orff – Carmina Burana – chœur et orchestre de l’Opéra de Berlin, direction Eugen Jochum, décliné au fil des ans et au fil des évolutions de la technique numérique:
1) – version 1967 analogique – pressage 1968 vinyle LP Deutsch Grammophon réf. 139362
2) – numérisation en CD (ADD) « DGG Galleria » en 1984
3) – remasterisé par DGG « Original image bit processing » – (OIBP en abrégé) – en 1995
4) – dématérialisation LLS (lossless), version OIBP ci-dessus en qualité CD 16/44,1, acheté en téléchargement Qobuz
5) – dématérialisation Studiomaster, le fichier SMR 24/96 de l’OIBP ci-dessus, acheté en téléchargement Qobuz
6) – retraitement en SARD++ de la qualité CD LSS
Petit rappel technique: la bande magnétique réalisée 1967 ne saurait dépasser 62 dB de rapport signal/bruit. Cependant si DGG avait bien conservé comme à son habitude les placements précis de chaque micro et les calibres de compression utilisés à l’époque (voir image ici), les Studios Emil Berliner ont effectivement pu en 1995 en améliorer la dynamique, les timbres et la géométrie de la scène sonore. De meilleurs convertisseurs A/N et le dithering aidant, on a pu en recaler la phase relative des différents pupitres et en améliorer le rapport signal/bruit en abaissant le souffle subjectif.
Avec la remastérisation OIBP de 1995, il devenait intéressant d’en télécharger le fichier Studiomaster en 24/96, sans elle le format 26/96 aurait un très faible intérêt musical.
L’écoute, seule juge
Restaient à vérifier à l’oreille les points suivants:
- Que valait le tout premier CD de 1984 par rapport à la galette noire?
- Que valait le CD de 1995 remastérisé, par rapport au 33T vinyle et au CD de 84?
- Entre le vinyle et les fichiers dématérialisés LSS, SMR et LSS SARD++ comment s’établit la hiérarchie en plaisir musical d’écoute?
Bien sûr l’idéal eût été de pouvoir comparer non pas avec le disque noir mais avec la bande magnétique mère analogique lue sur le magnétophone utilisé à l’époque. Mais cela, seuls les Studios Emil Berliner peuvent se l’offrir.
Petite pause musicale
Yes Masters
L’idée de ce comparatif de différentes déclinaisons du même enregistrement m’est venue en voyant que Qobuz citait en exemple le fichier 24/96 des Carmina Burana – Jochum dans sa rubrique « Yes Masters »
Déception
Une chose est évidente, le premier CD sorti en 84 m’avait énormément déçu par rapport au disque noir. Au point que je ne l’avais écouté qu’une seule fois puis rangé sur mes étagères. Cela n’avait rien d’exceptionnel, c’était même la règle à l’époque avec presque tous les CDs que j’achetais. Pendant longtemps j’ai considéré que si le CD était une avancée au plan pratique c’était une importante régression au plan musical.
Seconde chance
Quand la version remastérisée « Original image bit processing » (OIBP) est sortie en 1995, je n’ai pas acheté le CD remastérisé, étant encore sur mes préventions vis à vis de ce disque de 12cm décidément si peu musical.
Les quelques CD OIBP que j’avais achetés, lus sur un lecteur de CD de salon pourtant audiophile, ne m’avaient pas davantage convaincu.
Il faut préciser qu’on ne pensait pas du tout à la dématérialisation de la musique en 95, on ne l’imaginait même pas. Depuis j’ai pu établir que le gain musical de l’OIBP était bien réel mais fortement pénalisé par le support CD et par la lecture laser à la volée.
La version dématérialisée 4) LLS apporte une amélioration sensible et rivalise haut la main avec le disque vinyle de 1968. Elle confirme ainsi à la fois l’intérêt musical de la remastérisation OIBP et les limites de toute lecture laser. Bizarrement, la version 5) SMR apporte très peu par rapport à la 4) , qu’elle soit lue directement sans ré-échantillonnage à 96kHz, ou bien ré-échantillonnée à 192kHz ou encore à 176,4kHz. Je rejoins en cela l’avis de Qobuz (voir plus bas).
Seconde chance… plus un joker
Mais ce qui est le plus étonnant c’est le gain énorme de musicalité de la version 6) qui enterre sur tous les critères les versions 4) et 5) et donne le sentiment d’être sur le lieu même de l’enregistrement, nos deux oreilles semblant remplacer les micros de l’époque. C’est l’apport bénéfique du Joker que constitue le SARD++.
On constate à l’écoute au casque Stax une transparence totale qui rend hommage au travail OIBP des Studios Emil Berliner. Pourtant en 1995 ce sont les premières remasterisations, désormais permises par les derniers (et enfin améliorés) convertisseurs analogique/numérique et par les nouveaux outils de mastering sortis sur le marché professionnel tel que WaveLab.
Conditions d’écoute
L’écoute comparée s’est faite en nocturne de 23h à 1H, avec l’ampli hybride FET/Tubes triode Stax SMR 006t euphonisé et le casque SR404 Signature modifié (voir fichiers 136 et 137). Courant secteur symétrisé (transfo symétriseur 1000VA pour l’ampli, 300VA pour le DAC), courant nettoyé par plusieurs filtres Schaffner et par mes filtres externes inductifs parallèles. Câble USB2 euphonisé. COT, Ambiophoniseur TBF, MMM et Syntoniseur distant actifs (voir lexique).
Pour le disque noir, la lecture est faite sur mon tourne-disque de haut de gamme DIY de 1987 à plateau lourd et contre-platine suspendue très lourde, bras SME long modifié droit, câblage fils de Litz, cellule à bobines mobiles Denon DL103 triée. Préampli MC de très haut de gamme à liaison directe sans condensateurs. Câbles phono Litz triples torons à brins vernis de fort diamètre/ blindage tresse à brins vernis, isolation et gainage caoutchouc. (voir Mon parcours)
Quid de l’interprétation?
En fait la version Eugen Jochum de 1967 des Carmina Burana n’est pas ma préférée, elle vient en second. Certes, elle est excellente, mais juste un peu trop civilisée, trop policée à mon goût.
Je lui préfère celle de Vaclav Smetacek à Prague en 1961, plus sauvage, plus crue, avec des voix très timbrées, très typées, plus véristes, souvent exceptionnelles, comme celle de Milada Subrtova…
Hélas mon disque noir de 1961 est très abimé et la version CD ultérieure pas du tout à la hauteur du vinyle (voir mon billet: Quand l’analogique permet de juger le numérique), et même bien ripé en mode NRT et lu en SARD++, on n’a pas le bénéfice d’une remastérisation OIBP. C’est un album double – Trionfi – et hélas – sauf erreur – non remastérisé depuis. Et si je veux retrouver la truculence, voire la trivialité paillarde de l’œuvre en CD, alors je dois me tourner vers René Clémencic en 1975 dont le CD sorti quelques années plus tard bénéficia immédiatement d’une excellente numérisation. L’exception en CD qui confirme la règle. Mais c’est une version vraiment autre, avec un parti pris et à effectif réduit qu’on ne peut pas comparer aux grandes versions orchestrales. Jugez-en:
D’autres versions encore
Les Carmina Burana ont fait l’objet d’un nombre impressionnant de versions, presque autant que les Quatre Saisons de Vivaldi ou que les variations sur La Folia. Je n’en commente que deux.
La version Antal Dorati avec le Royal Philharmonique Orch. et les Chœurs du Festival Brighton (Decca Japan edition 1976) sonne bien trop anglaise pour mes oreilles, avec des voix très « city » bon chic bon genre, qui chantent le latin avec des pointes d’accent de Cambridge et d’Oxford. Un chœur en chapeau melon, attaché case et parapluie. (je pousse un peu le trait!)
La version Zubin Mehta avec le London Philharmonic en 1982, est très correcte, mais sans plus. Il lui manque le peps et la verdeur de Smetacek.
Conclusion
Au plan technique quand une version « Original Image Bit Processing » est disponible en dématérialisé, téléchargez-la et choisissez la qualité CD LLS wav 16 bits 44,1 kHz et traitez-la ensuite en SARD++. Il est inutile de dépenser plus pour avoir pareil ou moins!
On peut, certes, récupérer le phonogramme depuis le CD remastérisé OIBP, si vous le possédez déjà, mais il faut pour cela disposer d’un ripeur Phi² Stradivarius (ripping NRT) , et très bien euphonisé, lequel n’existe qu’en DIY!
Quand la prudence est de mise
Tout fichier proposé en 24/96 d’un enregistrement antérieur à 1980-82, et non remastérisé après 95 depuis les bandes analogiques originales, est sans intérêt, pour ne pas dire une arnaque. Soyez donc très méfiant, privilégiez les grands labels qui présentent plus de sérieux et qui ont le soucis de préserver leur image de marque en ne faisant pas n’importe quoi.
Petite pause musicale
J’avais déjà eu l’occasion dans un billet précédent de dire tout le bien que je pensais de la remastérisation « Original image bit processing », billet intitulé « Le véritable âge d’or du disque noir vinyle, c’est bien après…«
En février 1995 Deutsche Grammophon avait débuté la remastérisation « Original Image Bit Processing » avec 25 albums (qui plus est à prix modéré), il y en a désormais plus de 200 à son catalogue, recouvrant la période 1949-1986. De vrais trésors pour l’amateur de classique. D’autres grands labels ont emboité le pas à DGG et procédé à des remastérisations analogues, donnant chacune à leur procédé un autre nom, ce qui ne facilite pas le choix des mélomanes.
Une autre écoute
Mon système d’écoute (convertisseur N/A, ampli, casque, contexte électrique et électromagnétique) est autrement plus sophistiqué que celui mis en œuvre par Qobuz et explique pourquoi je ne partage pas tout-à-fait la conclusion (qui reste relativement tempérée) de Qobuz qui écrit « nous ne pouvons pas écrire que la version Studio Master 24/96 de ce chef d’œuvre nous a permis de le « redécouvrir », mais il est honnête d’écrire que la dynamique est bel et bien accrue sur de nombreux morceaux ».
Pour moi, ce n’est pas le 24/96 qui est ici important, ni la dynamique absolue. Ce qui est important, c’est la version Original Image Bit Processing en 16/44,1 sous forme dématérialisée et surtout lue en SARD++. C’est elle qui permet vraiment de redécouvrir cet enregistrement de 1968. Et si l’on parle de dynamique musicale (la fine, celle qui compte), le SARD++ file carrément une gifle au 24/96, et quelle claque, presque un uppercut! Sur mon système d’écoute cela saute aux oreilles immédiatement bien plus que la dynamique absolue accrue sur quelques morceaux. En fait le gain de dynamique s’effectue surtout par le bas, par un abaissement du bruit et l’émergence d’une foule de micro-informations qui vont créer toute l’acoustique naturelle du lieu autour des musiciens et qui vont insuffler de la matière aux timbres, de la chair aux chanteurs, bref de la vie à tous les niveaux.
Convaincu par le Studiomaster 24/96… une seule fois
A ce jour je n’ai entendu qu’un seul enregistrement SMR 24/96 qui soit meilleur tel quel que le SARD++ tiré du LSS ou du rip NRT 16/44,1 du même enregistrement (Evan Antonio Farao American quartet, du jazz enregistré en studio)… mais je ne désespère pas, il me reste tant à découvrir.
Sur le mastering, lire: http://cec.sonus.ca/pdf/La_pratique_du_Mastering.pdf
Transparence ?
Quand je vous parle de transparence des enregistrements, encore faut-il que la chaine hi-fi ne soit pas un éteignoir. De nombreux facteurs se liguent contre elle pour la rendre opaque et parmi eux le courant secteur n’est pas le moindre. Pour l’éclaircir déjà pas mal, il lui suffit d’une potion…
Voici donc mon petit cadeau pour Noël 2013: une potion magique capable de faire des miracles sur les prises de courant de vos appareils audio, et même home-cinéma. La recette est simple et à un prix de revient (en DIY) ridicule: Potion magique audiophile AA
J’avais l’interprétation de Jochum en vinyle, et lorsque je suis passé au CD, j’ai acheté la version « Galleria ». Tout ce qui faisait l’intérêt de cette interprétation de l’oeuvre avait disparu. Je crois que je n’ai plus acheté de CD de chez Deutsche Grammophon pendant plusieurs années… J’aime particulièrement la version de Robert Shaw chez Telarc, avec une prise de son admirable.