Bit-perfect et Checksum: Quel est donc leur intérêt pour le mélomane audiophile ?

Des termes galvaudés

On voit souvent apparaitre ces mots dans les notices techniques, dans les argumentaires de vente ou encore dans le forums hi-fi. Ils fleurissent pour vanter la qualité de produits numériques ou de logiciels d’extraction audio. Les termes se veulent scientifiques, comme pour apporter la preuve irréfutable de la perfection. Sous-entendu: vous pouvez acheter ou utiliser les yeux fermés (et les oreilles bouchées) puisque c’est parfait, c’est aussi sûr que 2 et 2 font 4…  Voire!

Par exemple, lors du rip d’un CD audio, quand on extraie le code numérique, c’est une erreur de croire que le qualificatif « bit-perfect » constitue une garantie quelconque.

Non significatifs

A mes oreilles, Bit-perfect (parfait au bit près) et Checksum (somme de tous les bits) n’ont dans le cadre de l’extraction audio quasi aucun sens. Oui, je sais, je ne fais pas dans le « politiquement correct », mais je m’explique:

1°) Le bit ne constitue pas à lui seul l’élément déterminant du son. Le bit n’est que la composante de valeur d’un signal audio numérisé, ce signal audio n’existe cependant pas sans sa composante temporelle. (voir les schémas plus bas). Un bit de plus ou de moins, c’est-à-dire une petite valeur de quelques microvolts qui varie sur un très bref instant,  l’oreille s’en accommode aisément alors qu’un infime décalage temporel (conséquence par exemple de l’effet nocif de la gigue, du jitter) aura des répercussions bien plus désagréables sur la musicalité finale.

2°) bit-perfect par rapport à quoi ? Où est le second terme de l’équation? Combien de bits comporte donc le fichier source master? il faudrait le connaitre pour qu’on puisse comparer. Nul ne le sait!  Comme dans les blagues de Colluche où il manque l’élément de comparaison: « Quelle différence entre un pigeon? » ou « La lessive qui lave plus blanc »… que quoi?

3°) bit-perfect confirmé par des checksums comparés? Ainsi ce serait donc parfait parce que d’autres ont trouvé le même total de bit dans la base de données de Accuraterip? J’ai comme un doute. Déjà, trouver le même checksum pour non pas le même CD mais seulement l’un de ses frères de pressage devrait nous interpeler sur la pertinence de l’algorithme utilisé.  Deux CDs sortis de presse n’ont jamais exactement les mêmes bits,  donc les mêmes checksums ou bien c’est que l’abaque du checksum est trop flou. Un checksum identique pourrait à la rigueur ressortir du rip d’un seul et même CD, mais pas de deux CDs différents surtout si leur numéro de pressage diffère de quelques centaines d’exemplaires. La répétition parfaite des CDs pressés n’existe pas. Si tous les 1000, 2000 ou 5000 CDs on change la matrice « le stamp », c’est bien parce que la matrice, le moule, se dégrade au fur et à mesure des pressages, et donc la qualité du CD pressé se dégrade aussi ! Dès qu’on atteint le taux d’erreurs qu’on s’est fixé comme limite commerciale de qualité au CD, on prend une matrice neuve pour poursuivre le pressage.

Le revers de la médaille

Toute comparaison à des pairs et non à un étalon de référence reste relative. La comparaison des checksum (en admettant même qu’ils soient pertinents) peut avoir l’effet inverse à celui escompté. Si vous avez un rip réussi très musical et que vous êtes le seul à l’avoir obtenu, toute comparaison qui ne collerait pas avec votre propre checksum  vous laisserait penser à tort que c’est vous qui êtes dans l’erreur, avec le moins bon rip!

Un effet psychologique

Ainsi Bit-perfect et checksum n’ont pas de grand sens au plan musical dès lors qu’un facteur temps reste influent au sein du fichier source audio avant même la conversion N/A. Mais si c’est pour vous rassurer, et que vous ne payez pas pour ça, alors il n’y a pas de mal à vous offrir ce petit réconfort intellectuel, même s’il vous induit en erreur. C’est un peu comme l’horoscope, s’il est bon, ça réconforte, s’il est mauvais on n’y croit pas.

>>> La somme de contrôle ( checksum ), aussi appelée « empreinte », est à l’origine un nombre qu’on ajoute à un message à transmettre pour permettre au récepteur de vérifier que le message reçu est bien celui qui a été envoyé. http://fr.wikipedia.org/wiki/Somme_de_contrôle

Tous pareils et pourtant différents

Je peux ripper un CD dix fois avec chaque fois le même nombre d’octets affiché pour le poids du fichier wav obtenu, et pourtant, selon les différentes bidouilles externes installées par mes soins, on leur trouvera à l’oreille des différences dans le rendu sonore.

Wav identiques en poids d'octets

Wav identiques en poids d’octets d’un même fichier et pourtant qui ne sonnent pas pareils

Le nombre d’octets n’est pas un indice fiable, les huit bits qui composent un octet ne sont pas un meilleur indicateur non plus. Ainsi des pistes audio avec des checksum différents peuvent fort bien sonner pareilles, car quelques bits techniques de début de piste ne sont pas des signaux musicaux mais des codes de contrôle. Que ceux-ci diffèrent n’affecte pas le son dans nombre de cas. En outre le checksum calculé par l’algorithme de Accuraterip ne se ferait que sur 97% des bits. http://jonls.dk/2009/10/calculating-accuraterip-checksums/

La preuve inverse

On peut faire le test inverse avec un simple freeware! « FileCheckMD5 allows you to calculate checksum values and create the checksum file. »
http://www.geeksengine.com/program_438.html – je ne dis pas que c’est un mode de calcul parfait pour un fichier audio, mais il me suffit pour illustrer mes dires.

Voici par exemple un checksum comparé de deux ripps d’un seul et même CD, ripps faits avec le même rippeur, Phi² audiophile slim il s’agit du 1er mouvement du concerto en sol de Maurice Ravel, par Samson François (une référence inégalée au plan interprétation!).

checksum

Un checksum de deux fichiers wav identiques… sauf à l’oreille

Le CD utilisé est comme neuf, pris dans ma CDthèque… le 1er rip de la comparaison date du 17 août 2011, le second du 28 juin 2012, mais entre temps est intervenue une euphonisation par le placement d’un double brodule sous la table portant le ripeur Phi² audiophile slim (ce sera l’objet d’un prochain billet) . Le comparateur de checksum des deux fichiers wav me dit: EVERY FILE APPEARS OK ! bref, fichiers 100% identiques !!! Mon oreille dit : bon sang le second est bien plus musical… et sur de nombreux plans ! c’est une évidence qui saute aux oreilles de n’importe qui un tant soit peu mélomane.

Pour une extraction audio, il serait logiquement peut-être plus pertinent, quoique toujours insuffisant comme indice de qualité, de compter le nombre d’erreurs corrigées à la lecture du CD audio ayant fait appel au codage CIRC (Cross Interleave Reed-Solomon Code) et à l’interpolation.

Petite pause musicale

Autre exemple évident que le « bit-perfect » est non pertinent à lui seul pour l’audio : sur ce schéma très simplifié le trait rouge gras représente le signal audio. On voit sur l’image du bas comment il est déformé par du jitter alors qu’on est toujours dans un « bit-perfect » irréprochable.

insignifiance du bit-perfect en audio numérique
Tous les bits sont restés de la même valeur et en même nombre. La composante temps entre les bits a changé et cela fait toute la différence dès qu’il est question de musique. Le « bit-perfect » devrait toujours être accompagné par le « time-step-perfect », mais ce dernier est autrement plus difficile à préserver.

Le bit-perfect et le checksum… c’était pourtant bien pratique!

Cela semblait si simple, si rapide, de comparer deux nombres et d’en tirer une conclusion qualitative. C’était bien commode, c’était LA solution de facilité! Dès que vous incluez le temps, hélas vous n’avez plus de chiffres simples (et simpliste)  à comparer, il faut alors visualiser la musique sur un éditeur audio (par exemple Audacity, Soundforge Pro 10, Adobe Audition 3 etc.). Et là devant le spectrogramme qui s’affiche, toute comparaison fine est impossible à l’oeil. La seule chose évidente sont les éventuels clic ou drops-out qui s’inscrivent par des grands pics verticaux ou par des blancs. Par contre rien d’évident ne traduira la différence entre une très bonne et une nettement moins bonne musicalité. Il est alors bien plus efficace de tout simplement écouter le morceau de musique!

Conclusion: Chaque fois qu’on vous vante un quelconque « bit-perfect » en hi-fi audio, soyez extrêmement vigilant sur ce qu’on essaie de vous vendre avec cet argument! Cela ne veut pas dire que le produit est systématiquement mauvais, non, mais comme l’argument commercial avancé est plus que douteux, soit celui qui l’a écrit est incompétent, soit s’il est compétent il vous prend par contre pour un gogo,  alors méfiance dans les deux cas.

Les meilleurs ripeurs audio

Le plus connu et universellement apprécié des extracteurs audio est gratuit, c’est EAC – Exact Audio Copy. Comme son nom l’indique modestement on ne saurait faire plus exact qu’exact. L’autre ripeur audio qui entend le détrôner dans la faveur du public est un ancien gratuit aujourd’hui payant (et cher à mon avis pour ce qu’il fait), c’est dBPowerAmp, et qui  prouve par A + B, par 2 + 2 = 4, comme il se doit : http://www.dbpoweramp.com/secure-ripper.htm qu’il encore plus exact que le très exact EAC ! Faut le faire ! Et j’en passe et des meilleurs tels Foobar2000 ou iTunes.
Lire: Bit perfect or not? Quand deux logiciels d’extraction se revendiquent de ce titre alors qu’ils donnent des fichiers wav différents, lequel est donc le plus que parfait?

Et si on parlait de musique?

Les ripeurs les meilleurs à mon sens sont simplement ceux qui extraient bien la musique en sus du code numérique constitué par les bits. Et à mes oreilles à moi, ce n’est ni EAC ni dbpoweramp, mais deux autres : Ripstation micro (l’ancienne version gratuite) en tout premier et AIMP2C (ancienne version) en second. Et ces deux extracteurs audio sont d’autant plus musicaux qu’ils seront utilisés avec un drive de rippage de qualité comme le Phi² audiophile slim, bien euphonisé. Et je me fiche bien de compter les checksum, les bit ou les erreurs CIRC… ils extraient de la musique en lui conservant sa vie.

>>> à noter que dbpoweramp était gratuit jusqu’à la version 11 de décembre 2004, encore téléchargeable sur http://www.clubic.com/lancer-le-telechargement-8621-0-dbpoweramp-music-converter.html

La vanité des mesures en audio

Bit-perfect et checksum sont typiques de la non pertinence de la plupart des mesures faites en audio quand elles prétendent se substituer à l’oreille. Elles ne mesurent pas les mêmes choses, il n’y  a presque jamais de corrélation entre les deux. C’est affligeant que certains, et ils sont nombreux, s’y accrochent encore et toujours. En fait Bit-perfect et checksum, ça n’a rien de vraiment scientifique dès lors qu’on en tire une conclusion sans vraie relation de cause à effet, cela n’en a qu’un vague aspect pseudo-scientifique, trompeur. Le pire est que ces mesures autoproclamées rationnelles imposent une sorte de dictature intellectuelle sur un grand public crédule qui du coup se met à les suivre comme des moutons au lieu d’écouter avec leurs oreilles. Mieux, ces pauvres consommateurs de musique en arrivent à croire que ce sont leurs oreilles qui les trompent quand ils ne sont pas d’accord! La sentence tombe comme un couperet: les chiffres ne mentent pas, vos oreilles si. C’est vraiment un comble!

L’utilisateur lambda s’en fiche

En fait l’internaute basique qui rippe ses CD n’est que rarement un audiophile exigeant, il lui suffit d’obtenir un rip le plus rapide possible, sans clics ni drops-out… et basta. Il compresse tout ça en MP3 128 kbs, parfois en 256 kbs et plus rarement en flac lossless et l’affaire est réglée.

L’audiophile recherche bien davantage

Le mélomane audiophile a bien d’autres visées que le consommateur lambda. Lui, il cherche à obtenir le phonogramme tel qu’il était en studio de mastering avant de le presser sur le compact disc. Il cherche à avoir un phonogramme avec toute l’émotion qu’il contient. Le challenge est tout autre et le défi est autrement plus difficile à relever.

C’est l’objet du prochain billet : comment bien ripper la musique, le rippeur Phi² audiophile « Strad » – pour rendre hommage au célèbre luthier de Crémone.

table d'harmonie  ripeur Phi² audiophile

Table d’harmonie P.D. pour ripeur Phi² audiophile slim – Stradivarius


À propos de L'audiophile AA

L'Audiophile Apiguide c'est plus de quarante années de recherches originales dans le domaine de la hi-fi, de la musique et de la psycho-acoustique. C'est une réponse à tous les mélomanes du XXIè siècle qui constatent jour après jour que la musique n'est plus au rendez-vous de leur chaine Hi-Fi, et qui n'ont trouvé aucune solution satisfaisante avec les matériels audio actuels du commerce, même les plus onéreux des marques les plus prestigieuses. Il suffit d'être un peu bricoleur et d'avoir l'esprit ouvert à d'autres voies que l'électronique habituelle...
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2 réponses à Bit-perfect et Checksum: Quel est donc leur intérêt pour le mélomane audiophile ?

  1. Steve dit :

    Audiophiles can sometimes look too hard to find differences where the are none. There are many variables to listening to music and I find it simpler to remove those that are confirmed scientific fact and concentrate on the rest. Bits are bits… if you have two files on disc that have the same checksum for the audio (flac files store this as part of the metadata) then they are the same. If you can’t trust this then you can’t trust anything to do with computers. So if you are hearing differences between two files that are identical it is something other than the file (e.g. next door turned on the microwave or you were wanting to hear a difference).

    AccurateRip isn’t perfect but it provides a high degree of confidence that you are getting the same bits as everyone else. This could only be wrong if errors from your drive only occurred in the 3% of the file that isn’t checked, which is at ~33:1 if there was just one error.

    Jitter can produce measurable effects, although the brain is very good at covering up for small errors (i.e. what we hear is not always what reached the ears).

    There are plenty of practical ways to get more enjoyment out of audio… I find a glass of wine and a comfy seat helps. Worrying about problems that are not there is a move in the wrong direction.

    • Bits are bits, I agree with you. But digital music is made by bits and also by time, by a cadency (44100 time per second), not only bits. The checksum is quite good for a bit comparison without any count for time. That’s all the difference… To use checksum for datas files has sense, and has less or no sense at all for music files. I have a lot of music files with exactly the same checksum after different rippings from the same CD-DA, and they don’t have the same musicality, the same émotion, the same life, the same impulse… with or without my external treatments (bidouilles in french) for the ripper drive. It’s a fact, even if it’s not possible at your opinion. This fact has been heard by many people, not only by my own ears, and in blind tests! In this case, and only this one, checksum has no interest for the audiophile music lover. The problem indeed is not bits, the problem is time. Bit-perfect if you please, but time-step-perfect also is needed for music, even before the clock of the DAC.
      Kindly,
      AA