Panneaux QUAD ESL-63

Dossier publié par la Revue Diapason en 1981 - (tiré des archives personnelles de AA)

   "Nous l'annoncions dans notre dernier numéro: le nouveau haut-parleur Quad est arrivé. Et comme ce fut le cas pour le précédent en 1956 - un quart de siècle déjà - , c'est à nouveau un événement dans le domaine de la reproduction sonore. Rémy Lafaurie en avait exposé le principe dès notre numéro de septembre 1979; il en rappelle ici les grands traits, rappel que nous faisons suivre du compte-rendu de nos écoutes musicales."

En 1955, un brevet quasi historique, déposé par MM. Walker, le fondateur de la firme Quad Acoustical, et Ferranti, de la firme Ferranti, marquait l'avènement du premier haut-parleur électrostatique fiable. Celui-ci restituait tout l'essentiel du spectre audible, avec une puissance suffisante et une qualité - des transitoires, en particulier - presque miraculeuse à l'époque. Une réalisation tel lement réussie qu'elle est toujours fabriquée sans modification, conservant intacte sa réputation d'étalon qualitatif: un fait unique dans l'histoire très évolutive de la reproduction sonore.

Ce transducteur exploitait avec une extraordinaire ingéniosité des idées théoriques remises en faveur par le professeur Hunt, de l'Université Harvard, en 1950. Système push-pull au diaphragme plastique, semblable à un piston, idéalement léger, commandé sur toute sa surface, il opère en principe virtuellement sans distorsion. Paradoxalement, ce fut aussi, pratiquement, la seule réussite industrielle durable en ce domaine où peu de concurrents surent maîtriser aussi efficacement les problèmes de fiabilité.

Peter J. Walker, qui ne pensait pas avoir atteint la perfection, exposait dès cette époque, en son brevet, le programme et les moyens de futurs perfectionnements. A partir de 1963, les recherches s'orientèrent vers la simulation d'une idéale source ponctuelle par un diaphragme plan judicieusement excité.
Le principe en est explicité par les figures 1 et 2 .
Une source ponctuelle non directive rayonnant la puissance désirable à toutes les fréquences étant utopique, on observe (fig. 1) les mouvements oscillatoires de ses ondes sphériques, à 30 cm environ, dans un plan perpendiculaire à la direction de l'auditeur. Ces mouvements sont d'autant plus retardés qu'on s'éloigne de l'axe.

Si (fig. 2) le plan d'échantillonnage est électriquement contraint d'exécuter, en chaque point, les mêmes mouvements qu'en figure 1, on conçoit que l'onde acoustique initiale soit reconstituée, émanant cette fois d'une source ponctuelle virtuelle.

Tel est le principe, simple en apparence: le signal est décalé du centre à la périphérie, par lignes de retard. Mais ce principe est très délicat à mettre en ouvre, d'où les dix-huit années consacrées à le réaliser et à le fiabiliser. Le nom de ce haut-parleur, ESL 63, ne veut d'ailleurs rien dire d'autre qu'« Electro Static Loudspeaker 1963» [« haut-parleur électrostatique conçu en 1963»).

Quoi qu'il en soit, cette nouvelle version du haut-parleur électrostatique est le premier transducteur sonore qui rayonne avec une égale perfection (très faible distorsion propre) tout le spectre sonore à partir d'une unique et puissante source ponctuelle vir tuelle, presque omni-directive. D'où le patronyme à la fois familier et précis sous lequel on le désigne chez Quad, de «Fred» (pour «Full range electrostatic doublet», «doublet electrostatique à large bande »).

De la sorte, les multiples centres émissifs des enceintes acoustiques à plusieurs voies se trouvent éliminés. L'avantage est énorme en stéréophonie, car les relations de phase entre les composantes du signal électrique sont, enfin, acoustiquement respectées; et comme la légèreté du diaphragme conserve la merveilleuse réponse transitoire électrostatique, tout laisse augurer que ce haut-parleur fera merveille avec les futurs disques numériques.

Ce haut-parleur a une impédance nominale de 8 ohms, principalement résistive (valeur minimale 5 ohms). Doté de multiples protections électroniques, il peut s'associer à tout amplificateur atteignant 100 watts par canal (dépasser 100 watts est déconseillé), sans aucun des problèmes de stabilité soulevés par la charge capacitive de la version de 1955. Bref, une exceptionnelle réussite technique, et sans doute un nouvel étalon de qualité pour de nombreuses années.

RÉMY LAFAURIE (source Diapason 1981)        

Petite pause musicale, Concert pour le 85è anniversaire d'Aldo Ciccolini